Discours pour la Commémoration de la Libération de Paris, 25 août 2017
Mesdames, Messieurs, chers camarades,
Comme tous les ans nous sommes ici pour rendre hommage à ces hommes et ces femmes qui, dans les hôpitaux ou ailleurs, ont donné leur vie pour que nous vivions libres, pour que notre pays soit délivré de l’Etat fasciste de Pétain et qu’il soit délivré du joug que l’Allemagne prétendait imposer à toute l’Europe. Ils rêvaient d’une France libre et souveraine, du rétablissement de la République et de ses valeurs fondamentales de partage et de solidarité. La libération de Paris, pour laquelle les agents de l’APHP payèrent un lourd tribut, fut bientôt suivie par celle de notre pays tout entier et suscita un immense espoir de liberté et de justice sociale. Et c’est pourquoi, au sortir de la guerre, dans une France pourtant ravagée et appauvrie, le Conseil National de la Résistance (CNR) mit en place des institutions qui devaient permettre un indéniable progrès et assurer une protection sociale à tous les citoyens.
Le CNR, né dans la clandestinité et désormais associé à un gouvernement d’union nationale, répondit à cet espoir en créant notamment la Sécurité Sociale et des soins gratuits pour tous, en mettant en place la protection maternelle et infantile, les retraites par répartition, bref, une large protection sociale qui permettait à tous les travailleurs de subvenir à leurs besoins élémentaires. Elaboré avec toutes les forces vives de la Nation - à l’exception du patronat qui avait largement collaboré avec les Allemands – le CNR nationalisa les banques et les ressources naturelles, énergétiques et financières, afin d’éviter que les intérêts particuliers du patronat ne supplantent les intérêts de la Nation. Car la vertu républicaine, c’est que le bien public prime toujours sur les intérêts particuliers.
73 ans après la Libération, que reste-t-il de l’héritage que ces hommes et ces femmes nous ont laissé ?
L’année qui vient de s’écouler a une fois de plus été marquée par des attaques en règle contre les droits des travailleurs, attaques orchestrées par des politiciens largement discrédités au sein de la population. Un gouvernement ultra-minoritaire a été élu et poursuit la politique de régression sociale et institutionnelle de ses prédécesseurs, pour le plus grand bénéfice du patronat. Au cours de ces dernières décennies, la République s’est désagrégée sous les coups de boutoir d’une Europe dominée par les financiers et les multinationales. Ce pour quoi se sont battus et sont morts les combattants de la Libération de Paris, l’indépendance de la Nation, a sombré dans les tiroirs-caisses d’une minorité de la population, et notre pays est désormais un pays vassalisé, vendu au plus offrant.
Dans nos hôpitaux, le délitement de la République passe bien évidemment par la volonté politique de cette minorité d’œuvrer à la privatisation des services publics, c’est-à-dire à leur disparition. Concrètement, cela se traduit par une réduction drastique et permanente des effectifs au profit de sociétés ou de contrats individuels privés. Cela se traduit aussi par la mise en place des Territoires de Santé, avec en point d’appui le développement de l’ambulatoire, clef de voûte d’une chaîne public-privé dans laquelle le public aura une place de plus en plus réduite. Cela se traduit encore par la dépendance accrue des agents, à travers les nouvelles OTT qui imposent aux agents de faire passer leur vie privée après les impératifs économiques de l’hôpital-entreprise. (Là encore on ne peut que constater que les intérêts particuliers priment sur l’intérêt général puisque la seule mesure qui pourrait soulager les agents, l’élaboration des plannings 3 mois à l’avance, n’est toujours pas mise en place dans un bon nombre de services à Cochin). Le Plan Hirsch couplé à la Loi Travail permet de gérer des sous-effectifs chaque année plus dramatiques. Et chaque année ces sous-effectifs mettent de plus en plus en danger les patients et les agents. Les surcharges de travail qui en découlent conduisent un nombre croissant de nos collègues à des TMS ou à des dépressions dues à la souffrance au travail. Tout ceci se fait au nom d’une logique comptable qui a depuis longtemps supplanté les logiques médicales.
Les exemples sont nombreux. C’est que ce que nous vivons dans nos hôpitaux reflète ce qui se passe dans tout le pays pour l’immense majorité des citoyens. En ce jour de commémoration de la Libération de Paris, que dire de notre gouvernement ultra-minoritaire, qui prétend gouverner par ordonnances et sous état d’urgence permanent ? Je ne crois pas que celles et ceux, toutes tendances confondues, qui ont donné leur vie et que nous honorons aujourd’hui se soient sacrifiés pour cet ultra-libéralisme liberticide qui ramène les droits des travailleurs cent ans en arrière en les livrant pieds et poings liés entre les mains des patrons, et dont les mesures économiques sont destinées à enrichir les plus riches en appauvrissant la majorité de la population.
C’est dans ce contexte détestable que nous devons, nous, personnels hospitaliers, non seulement nous battre pour nos droits élémentaires, mais aussi tenter de continuer à prodiguer des soins de qualité. Le légitime sentiment d’injustice, général dans tout le pays, est particulièrement flagrant dans notre hôpital qui, à travers les nombreuses restructurations, a subi de plein fouet cette offensive patronale généralisée contre les travailleurs.
En cette année 2017, dans une Europe dominée par l’Allemagne, elle-même soumise au patronat et à la finance, et en ce jour de commémoration de la Libération de Paris – Libération à laquelle la CGT participa massivement en prenant les armes – nous devons plus que jamais nous souvenir de ce pour quoi ont lutté et sont morts tant de citoyens. Nous en souvenir pour nous rappeler que rien n’est inéluctable.
Se souvenir c’est avant tout retenir les leçons du passé afin de mieux préparer l’avenir, et ce que nous enseigne l’Histoire – surtout en cette année centenaire de la Révolution d’Octobre - c’est que quelles que soient l’oppression et l’exploitation des travailleurs, le peuple a toujours su trouver en lui les ressources nécessaires pour renverser tous les régimes basés sur l’arbitraire politique et l’injustice sociale.
La CGT Cochin, quant à elle, maintiendra son cap, celui de la défense des agents sur tous les fronts et celui de la défense des services publics contre la rapacité des sociétés privées.
Bernard Giusti
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